Le blog du Drive-to-Store

[Table ronde] Comment concilier communication commerciale et responsable ?

Rédigé par Anne-Sophie Fernandes | 02/04/21

A l’heure où les consommateurs sont toujours plus sensibles aux problématiques de pouvoir d’achat et de respect de l’environnement et où l’Assemblée Nationale débat autour du projet de loi Climat et Résilience, notamment avec à l’étude un amendement visant à rendre obligatoire la mention « En avez-vous vraiment besoin ? La consommation nuit à la planète » sur toute publicité commerciale, les distributeurs doivent réussir à concilier communication commerciale et responsable. Comment conjuguer performances commerciales et engagements RSE ? Quels leviers pour y parvenir ? 

 

Pour répondre à ces questions, nous avons accueilli un panel d’experts :  

  • Olivier DAUVERS, Expert Grande Conso
  • Elisabeth CONY, Fondatrice de Madame Benchmark
  • Florian GRILL, Président de CoSpirit MediaTrack
  • Salem HANDOURA, Directeur du digital chez Heroiks
  • Frédéric MICHEAU, DGA d'OpinionWay

 

Prospectus et catalogues publicitaires : qu’en pensent les Français ? 

 

Résultats du sondage OpinionWay pour Bonial présentés en ouverture du webinar par Frédéric MICHEAU, DGA d’OpinonWay (échantillon de 5042 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus du 18 au 22 décembre 2020).

 

 

L’utilité des prospectus et catalogues publicitaires 

Les Français sont 55% à déclarer que les catalogues, guides et prospectus publicitaires qu’ils reçoivent dans leur boîte aux lettres sont utiles. Pour 13% des Français, ils sont même “très utiles”. Cette utilité est davantage perçue par les femmes (10 points d’écart) et par les 25-34 ans et les 35-49 ans, contrairement à la croyance associant les prospectus à une population plus âgée. Les employés et les ouvriers accordent davantage d'utilité à ces catalogues (63% contre 55% de moyenne nationale). Enfin plus le foyer comporte de personnes, plus on juge ces catalogues utiles. La situation géographique est un facteur important dans l’utilité perçue puisque ce sont dans les petites villes de provinces, celles qui ont entre 2000 et 20 000 habitants, qu'on juge les catalogues utiles (63%), à l'inverse de l'agglomération parisienne où 55% les jugent « pas utiles ».

 

L’impact environnemental 

81% jugent le transport des guides et prospectus déposés dans les boîtes à lettres néfastes pour l'environnement, 80% affirment qu'ils participent à la déforestation. 75% jugent que les catalogues, guides et prospectus publicitaires déposés dans les boîtes à lettres constituent un gaspillage de papier qui ne peut pas toujours être recyclé.

 

L’image des enseignes qui arrêtent ou réduisent la distribution de prospectus 

Les enseignes qui décident de réduire ou d'arrêter la distribution de catalogues semblent en retirer des bénéfices en termes d'image. Elles sont jugées plus respectueuses de l'environnement par 81% de la population, elles sont créditées d'être plus modernes par 75% des Français et plus innovantes (72%). 63% des Français les considèrent plus respectueuses de la vie privée des citoyens. 

 

 

Consultez l'étude "L'image des prospectus et catalogues publicitaires distribués dans les boîtes aux lettres"

 

Communication commerciale et distributeur : une dépendance commerciale… et juridique 

 

Peut-on imaginer la distribution vivre sans la communication commerciale ? Pour Olivier DAUVERS, Expert Grande Conso, ce n’est pas réaliste, même si l’on constate des initiatives de la part des distributeurs comme NaturéO ou encore le Leclerc de Luçon qui décident d’arrêter les prospectus. Il souligne d’abord une dépendance commerciale des distributeurs aux prospectus, car au-delà de la mise en avant des promotions, ils permettent d’accroître la visibilité des enseignes et le trafic en magasin. 

 

A l’heure actuelle, il n’existe pas un exemple à grande échelle d’une enseigne ayant arrêté ou diminué les prospectus avec succès. Monoprix, ne représentant pas le mass market et Ikea, distribuant un catalogue représentatif de l’offre, ces deux cas n’illustrent pas qu’un distributeur peut vivre sans communication commerciale. 

 

Au-delà de cette dépendance commerciale, il y a une notion de dépendance juridique. Toujours selon Olivier DAUVERS, le prospectus est la meilleure façon d'apporter les contreparties les plus inattaquables possibles aux industriels, dans le cadre de la coopération commerciale. Il permet de donner une forte visibilité aux industriels, notamment en apparence, car les prospectus sont diffusés en millions d'exemplaires. 

 

Tant que le prospectus est un support de la coopération commerciale reconnu comme tel par la loi, c'est une deuxième bonne raison de le garder. Enfin, si la relation entre le prospectus et les consommateurs s’effiloche, il n’en reste pas moins qu’un Français sur deux le trouve utile. Pour ces trois raisons, les enseignes s'accrochent aux prospectus et ne sont pas près d'arrêter.

 

Communication commerciale : les consommateurs en redemandent 

 

 

Si la dépendance des enseignes à la communication commerciale n’est plus à prouver, il en est autant pour les consommateurs, explique Salem HANDOURA, Directeur du digital chez Heroiks. Il souligne l’attrait des consommateurs pour les promotions et les coupons de réduction mais aussi l’impact de ces offres qui influencent fortement le choix des enseignes et des produits. 


91% des Français jugent être attirés par la communication commerciale, et 28% s’y déclarent très sensibles, allant même jusqu’à collectionner les coupons de réduction. L’impact de la crise sanitaire sur le pouvoir d’achat est indéniable, aujourd’hui plus de la moitié des Français fait plus attention aux prix et aux promos, un constat d’autant plus fort chez les cibles plus jeunes, notamment les 18-34 ans. La communication commerciale a un impact chez les Français sur la préférence d'une enseigne, et cela renforce la dépendance des enseignes pour cette communication. 84% des Français déclarent choisir une enseigne selon les prix et 71% sont prêts à changer d’enseigne en fonction des promos. Au sein d'une même enseigne, 57% des Français affirment pouvoir changer d'avis sur un produit ou une marque pour bénéficier de la promotion. 


Des phénomènes qui évoluent dans un contexte de crise sanitaire favorable au développement du digital et de ses usages, avec de plus en plus de consommateurs qui préparent leurs achats en ligne et utilisent donc le digital pour trouver des promotions.  


Ce qui a nettement accéléré avec les confinements successifs, c'est la manière des Français d'identifier les promotions, ils se tournent désormais beaucoup plus vers le digital. 75% d'entre eux commencent à rechercher en ligne la promotion pour identifier les bonnes affaires et jusqu'à 27% téléchargent des coupons sur le digital pour les utiliser en magasins.


La communication commerciale est donc un sujet essentiel pour les distributeurs et les consommateurs. Mais on voit émerger chez ces derniers un sujet de plus en plus important : la responsabilité des enseignes et des produits. Aujourd’hui, 81% des 18-44 ans ont l'ambition d'acheter des biens de consommation de manière plus responsable. 

 

Rendre la communication commerciale plus responsable 

 

 

La RSE couvre certes la responsabilité environnementale mais aussi la responsabilité sociale souligne Florian GRILL, Président de de CoSpirit MediaTrack. Au-delà des produits présentés dans la communication commerciale, qui peuvent être plus responsables en fonction de leur provenance ou de leur fabrication, la façon de la diffuser joue également un rôle. 

 

Un annonceur qui investit un peu plus dans le local a un impact sur l'emploi, potentiellement sur le pouvoir d'achat local, il peut même avoir un impact sur la démocratie locale. Quand un retailer communique localement, il distribue, à travers son impact sur l’emploi, du pouvoir d'achat sur dans les zones de chalandises de ses magasins, qui vont in fine en bénéficier…

 

Lorsqu’on parle de communication commerciale responsable, on pense souvent d’abord aux produits mis en avant, donc le contenu de la communication, mais l’aspect responsable se trouve aussi dans le support, le contenant explique Elisabeth CONY, Fondatrice de Madame Benchmark. 

 

Il y a de plus en plus de choix responsables disponibles ; le prospectus en papier recyclé, issu de forêts gérées durablement, imprimé en France, distribué en "carbon neutral", la promotion sans surenchère de quantité à acheter et en limitant le suremballage. Tout ce qui est PLV peut être éco-conçu, réutilisable, en matière recyclée et recyclable. En digital on peut choisir des acteurs "green IT", avoir des partenaires "green data center", etc. Enfin, en publicité classique on peut choisir des régies qui ont des actions solidaires.

 

Communication commerciale et responsable : comment réconcilier les deux objectifs ?

 

Les médias digitaux sont une forme de conciliation intéressante entre la communication responsable et commerciale affirme Salem HANDOURA, qui prône la complémentarité de la communication print et digitale. 

 

L'idée n'est pas d'arrêter le papier pour tout investir dans le digital, mais il y a une complémentarité intéressante à creuser. Dans un premier temps, mettre à disposition dans l'écosystème des enseignes (application, site web, etc.) les promotions du moment et laisser les consommateurs s'y rendre sans les pousser, c'est une forme de responsabilité. Ensuite, quand il s'agit de les pousser, il y a aujourd'hui des écosystèmes ou applications très communautaires et promophiles qui proposent au consommateur de découvrir des promotions autour de son lieu de vie. Il y a des alternatives crédibles aux GAFAs qui existent, tant sur le sujet de la puissance publicitaire que de la pertinence, notamment dans la capacité à cibler.

 

Les trois parties prenantes que sont le consommateur, l'industriel et le distributeur ont chacun potentiellement un rôle à jouer dans l’équilibre de la communication commerciale et responsable à travers des leviers qui leur sont propres, affirme Olivier DAUVERS. 

 

On permet au consommateur de ne plus recevoir de prospectus, donc mécaniquement de baisser les diffusions. Du côté des industriels, il y a quelque chose de frappant aujourd'hui : beaucoup d'unités de besoin sur les prospectus sont des formats spéciaux. Le format spécial est quasiment l'antithèse de toute forme de responsabilité. Si on pouvait éviter qu'une grande part des promos soit des formats spéciaux, on ferait un certain progrès. Enfin, le distributeur a aussi une responsabilité, qu'il est d'ailleurs en train d'exercer : il est en train de redimensionner les zones de diffusion des prospectus, dont on voit bien aujourd'hui qu'elles sont plutôt plus petites qu'elles ne l'étaient. Au final, le distributeur, par l'ajustement des quantités, participe déjà à une forme de communication plus responsable.

 

Pour conclure 

La communication commerciale est un enjeu important pour la distribution, aussi bien sur le plan du trafic en magasin et de la notoriété que dans le cadre de la coopération commerciale avec les industriels et fournisseurs. Elle est également appréciée des consommateurs français, qui sont 55% à déclarer les prospectus et catalogues papier reçus en boîte à lettre “utiles”, voire “très utiles” (13% - sondage OpinionWay pour Bonial). La montée en puissance du digital et la progression de la préoccupation des consommateurs pour l’environnement poussent progressivement les distributeurs à adapter cette communication commerciale pour la rendre plus accessible, notamment avec les médias online, mais aussi plus responsable, tant dans son contenu que dans son support. 

 

Pour Laurent Landel, Président Bonial France, consommateurs et distributeurs ont chacun une part de responsabilité environnementale et sociale, mais on voit émerger une nouvelle forme de responsabilité pour les annonceurs, qui touche au respect de la vie privée des consommateurs.

 

Les smartphones nous ont habitué à une forme de communication a priori très respectueuse de l'individu et il est très probable que ce soit une des raisons qui influence la montée assez régulière du Stop Pub car maintenant le consommateur veut avoir le choix et décider le bon moment auquel on va lui parler. Il y a fort à parier que ce soit les nouvelles règles du jeu et que l'arbitre sera le consommateur et les distributeurs ont beaucoup à gagner à les appréhender dans leur individualité.