Cette question, très actuelle, est au cœur des préoccupations des distributeurs pour plusieurs raisons. Les confinements à répétition compliquent le maintien du PAC. Les usages du digital et notamment du smartphone bouleversent les comportements des consommateurs et donc le mix média des distributeurs. Enfin, le législateur s’invite au débat comme le démontre le projet de loi “Climat et Résilience”. Cette loi s’interroge notamment sur le “Oui Pub” qui est l’inverse même du “Stop Pub”, c’est-à-dire que les consommateurs souhaitant recevoir des catalogues et prospectus papier dans leur boîte aux lettres devront apposer un autocollant, dans le cas inverse, la boîte aux lettres est inaccessible. Une expérimentation va avoir lieu en France, à l’initiative des collectivités locales volontaires, pour une durée de 3 ans.
Quel est donc l'avenir de ce support de communication historique ? La distribution en BAL est-elle amenée à disparaître ? Doit-elle se réinventer ? Comment évolue la législation ? Quels scénarios peut-on anticiper d'ici 2025 ?
Pour répondre à ces questions, nous avons accueilli un panel d’experts :
Résultats du sondage OpinionWay pour Bonial présentés en ouverture du webinar par Frédéric MICHEAU, DGA d’OpinonWay (échantillon de 5042 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus du 18 au 22 décembre 2020).
55% des Français déclarent les prospectus et catalogues publicitaires distribués dans les boîtes à lettres utiles. Un constat homogène chez les différentes tranches d’âges, même les plus jeunes (58% chez les 18-24) mais à l’exception des plus de 65 ans qui les jugent moins utiles. La Bourgogne Franche Comté et les Hauts-de-France sont les régions où les prospectus sont jugés les plus utiles.
Le taux d’apposition de l’autocollant Stop Pub a considérablement augmenté entre 2015 et 2020. En 2015, lors d’un sondage réalisé par OpinionWay pour Bonial, 68% des Français déclaraient ne pas avoir l’intention d’apposer l’autocollant contre 50% en 2020. 14% avaient l’intention d’apposer l’autocollant contre 19% aujourd’hui. Enfin, en 2015, 18% des Français déclaraient avoir apposé l’autocollant Stop Pub contre 30% en 2020.
On compte davantage d'appositions du Stop Pub chez les plus jeunes (41% chez les 18-24 ans contre 29% chez les 65 ans et plus). Les CSP+ ont également davantage recours au Stop Pub que les catégories populaires. On utilise beaucoup moins le Stop Pub en zone rurale, dans les petites villes de moins de 20 000 habitants que dans les grandes agglomérations.
¾ des Français se déclarent favorables au projet Oui Pub, dont 34% se déclare tout à fait favorable. Le taux d'adhésion le plus élevé est relevé chez les plus jeunes, 85% chez les 18-24 ans, 83% chez les 25-34 ans. On observe que les CSP+ y sont plus favorables que les catégories populaires. Enfin, on note une adhésion un peu plus faible en zone rurale (74%).
Si la loi était votée, 52% des Français déclarent ne pas avoir l'intention d'apposer un autocollant Oui Pub, seulement 22% affirment le faire "certainement". 47% de la population déclare ne pas apposer l'autocollant, ce qui signifie que près de la moitié du marché serait rendue instantanément indisponible.
Le Stop Pub a fortement progressé ces dernières années, aussi bien dans l’apposition de l’autocollant que dans sa distribution. De nouveaux acteurs commencent à le proposer, comme les bureaux de poste, les pharmacies, les buralistes et même les agents immobiliers. Est-ce que cette évolution favorise la bascule vers le Oui Pub ? Oui, d’après Alexandre POUMAERE, Responsable du site Stoppub.fr, et cela pourrait être renforcé par les législateurs et la RGPD, qui impose d’obtenir l’accord des internautes avant de les démarcher en ligne.
La logique voudrait, par cohérence de droit, que ceux qui veulent recevoir de la publicité affichent le Oui Pub sur leur boîte à lettres.
En revanche, passer du Stop Pub au Oui Pub n’est pas si simple. Cela suppose une véritable mutation, avec des enjeux sociétaux liés aux emplois de la filiale de l’impression (imprimeurs, distributeurs de prospectus, etc.). Si le scénario venait à avoir lieu, Alexandre POUMAERE imagine une co-existence des deux dispositifs qui permettra une transition progressive et de relever le défis logistique d’équiper des millions de boîtes aux lettres. Une vision partagée par Mathieu LEPOUTRE, Responsable Media 360 d’Auchan, qui souligne l’attachement des clients au prospectus de l’enseigne.
Nous recevons tous les jours des réclamations de la part de clients qui n’ont pas reçu le prospectus. En 2010, Michel-Edouard Leclerc avait annoncé la disparition du tract pour 2020, mais nous n’y sommes pas encore. C’était peut-être trop visionnaire. En tant que distributeur, nous pilotons ce mix média cross canal. Un canal digital et un canal papier, cela va encore évoluer mais sans aller jusqu’à une disparition du prospectus.
Le Oui Pub pourrait être une menace pour les distributeurs qui feraient face à près de la moitié des boîtes à lettres fermées (47 % des Français n’ont pas l’intention d’apposer l’autocollant Oui Pub - sondage OpinionWay pour Bonial). Olivier DAUVERS l’identifie comme une opportunité d’améliorer le contenu du prospectus papier et de ne pas uniquement le considérer comme une contrepartie de la coopération commerciale.
Cela obligerait à considérer le prospectus comme un média, et comme tout média, il doit être construit de manière éditoriale. Si on veut avoir de la lecture et de l’audience, il vaut mieux se demander ce qui peut créer cet intérêt et non pas pousser tout ce que l’on a sous la main.
Au-delà du prospectus papier, c’est l’ensemble de la relation des consommateurs à la publicité qui se transforme. Sophie MALKA, Directrice Marketing du groupe Orchestra-Prémaman, constate une montée en puissance du marketing d’influence, avec les avis des autres consommateurs de plus en plus sollicités. L’ensemble des médias se digitalisent souligne Mathieu LEPOUTRE et le prospectus papier n’y échappe pas. La digitalisation des prospectus et catalogue permet de mettre en avant une largeur de gamme importante.
Nous essayons d’être plus ‘client centric’ et ‘data driven’, c’est ce que le digital permet. Il n’y a pas uniquement la digitalisation du support, mais aussi la façon dont on le construit.
Si la moitié des boîtes à lettres devenaient inaccessibles, QUID du courrier adressé ? Olivier DAUVERS et Sophie MALKA l’envisagent comme une option, notamment si son coût d’adressage est compensé par son taux de conversion. Ils soulignent le fait que de nombreux consommateurs sont attachés aux prospectus des temps forts comme la foire aux vins ou le catalogue de jouets pour Noël.
Sur ce point, les intervenants sont assez unanimes. Les prospectus et catalogues publicitaires ne vont pas disparaître, malgré la progression de l’autocollant Stop Pub. Plus de 30% des Français déclarent en 2020 l’avoir apposé, soit 12 points de plus par rapport à 2015. Pourtant, l'appétence des Français pour les prospectus et catalogues publicitaires reste forte (55% déclarent les prospectus et catalogues publicitaires distribués dans les BAL utiles). Si ce format n’est pas voué à disparaître, il doit en revanche évoluer pour s’adapter aux usages. La pertinence du contenu proposé doit notamment être plus considérée par les distributeurs. Cet aspect sera clé dans le succès de la communication commerciale, explique Laurent LANDEL, Président Bonial France.
Une relation c'est forcément à deux, dans la publicité il y un émetteur et un récepteur. Il y a 20 ans, c'était assez monobloc, avec des récepteurs plutôt uniformes. Maintenant les consommateurs sont plus fragmentés, il faut leur parler dans la bonne langue.
Face à ces divergences chez les consommateurs, l’enjeu des distributeurs est de répondre à leurs besoins, que ce soit dans l’univers du print ou du digital. Sophie MALKA insiste d’ailleurs sur la complémentarité des deux dispositifs.
Tout comme il y a une complémentarité entre les magasins physiques et le web, il y a une complémentarité entre le offline et le online.