Bonial Day - L'intelligence artificielle va t-elle refaçonner le secteur de la distribution ?

Lors de la 2ème édition du Bonial Day qui s’est déroulée le 7 décembre dernier, Philippe Goetzmann, expert de la consommation et du commerce, s’est entretenu avec Laurent Alexandre, auteur du livre "La Guerre Des Intelligences” quant à sa vision du futur du retail, impacté par l’Intelligence Artificielle (IA).

Comment l’intelligence artificielle va-t-elle, dans les années à venir, bousculer l’organisation de notre société mais aussi celle de la grande distribution et des entreprises en interne, dans le secteur du retail ?

De Chat GPT4 à Gemini : l'ascension de l'IA

L'intelligence artificielle est en train de révolutionner le secteur du retail. En interne, elle offre la possibilité aux enseignes d'améliorer l'efficacité des équipes en réalisant des tâches plutôt  opérationnelles. De plus, l'IA permet également aux enseignes de mieux adresser leurs clients en personnalisant leur expérience utilisateur par exemple. 

En marketing, notamment dans le secteur du retail, les cas d’usage de l’utilisation de l’intelligence artificielle se multiplient. Elle permet par exemple d’optimiser à la fois les ciblages d’audience pour l’achat de publicité en programmatique, l’analyse des verbatims et retours textuels des clients lors d’enquêtes et de ciblages par exemple ou encore, l’optimisation des communications en marketing client grâce au machine learning pour envoyer un message au moment et via le canal les plus adaptés pour chaque client (pour en savoir plus).

Branche spécifique de l’intelligence artificielle, l’IA générative permet quant à elle de générer de nouveaux contenus, que ce soient des textes, images, vidéos ou sons. Cette IA permet de devenir un véritable compagnon du quotidien pour les équipes marketing que ce soit en phase d’idéation et de conseils ou pour créer ensuite les différents assets de communication : textes, visuels etc.

Alors, pour Laurent Alexandre : il est urgent d’adopter Chat GPT4 d’Open AI et Gemini de Google. Selon lui, les impacts économiques et sociétaux liés à l’essor grandissant des usages des intelligences artificielles sont sous-estimés. Par ailleurs, il est important de toujours se tenir au courant des dernières avancées en matière d’IA pour ne pas prendre du retard : "Quand on a GPT3 on ne comprend pas ce qui va se passer dans le monde du commerce puisque cette version ne comprend pas la notion d’apesanteur alors que le monde physique est primordial dans le retail, alors que GPT4 ou Gemini amènent cette nouvelle compréhension du monde”.

L’IA : un impact sur le management mais aussi les magasins 

Aussi, Philippe Goetzmann indique que souvent lorsqu’est évoquée la démocratisation de l’IA dans le monde du retail, l’on fait souvent référence aux fonctions de marketing et de communication alors que des cas d’usage se développent aussi “sur le carrelage”, pour les magasins.

Ce à deux niveaux : que ce soit dans l’optimisation des agencements par exemple mais aussi sur les décisions managériales. Les capacités de l’intelligence artificielle évoluant très vite, il est par ailleurs nécessaire d’effectuer des prévisions de nouvelles applications en fonction de plusieurs scénarios. Laurent Alexandre en définit 3 possibles d’ici 2030 :

1. L’IA ne dépasse pas l’intelligence humaine sur l’ensemble des dimensions du quotidien. Ce scénario est considéré par 10% des experts.
2. Dans 1000 à 1500 jours, l’IA dépasse l’Homme dans toutes les dimensions cognitives. 80% des experts sont convaincus par ce scénario.
3. Avant 2030, une super intelligence est créée. Ce scénario est considéré par 10% des experts.

“Elon Musk a expliqué que très prochainement, l’Homme le plus intelligent sur Terre sera moins intelligent qu’une intelligence artificielle de base. Que deviennent dans le monde futur les gens nettement moins intelligents que ChatGpt 5, 6, 7 ?”, questionne Laurent Alexandre.

Vers une nouvelle répartition de la valeur… et de nouvelles inégalités qui émergent

Par ailleurs, Laurent Alexandre questionne sur les conséquences futures que va avoir la course aux informaticiens actuelle, payés des millions d’euros par année salariale, soit beaucoup plus que les cadres managers avec des écarts allant jusqu’ à 1 sur 1000. Comment aussi, pour le retail, trouver les fonds suffisants pour recruter les meilleurs talents et rester compétitif ? 

En dehors de ce challenge, le retail s’oriente-t-il vers une centralisation ou une autonomisation des fonctions ?

Laurent Alexandre évoque deux tendances potentiellement contradictoires :

1. Si une grande part de la population utilise Chat GPT4 & co, alors la tendance sera une décentralisation des fonctions, où les directeurs de magasins par exemple seront de plus en plus autonomes et efficaces dans la prise de décision.
2. Mais, si au contraire, peu de personnes maîtrisent l’IA, alors on va au devant d’un renforcement des inégalités et d’une concentration du pouvoir.

“Dans tous les cas, la valeur économique future se situera à l’interface entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine", résume l’auteur de La Guerre des Intelligences.

Quelle posture doivent adopter les gouvernements ?

Dans ce contexte, où les avancées technologiques s’accélèrent en même temps que les applications se diversifient, comment les gouvernements, à l’échelle mondiale, peuvent-ils à la fois encourager le progrès tout en s’assurant que l’humanité, dans son intégrité, ne soit pas menacée ?

Laurent Alexandre, indique qu'auparavant il existait deux mouvements au sein des entreprises qui développent les intelligences artificielles telles qu’OpenAI : les accélérationniste d’une part, motivés par l’expansion des capacités des IA créés et les décélérationnistes d’autre part, cherchant plutôt un développement technologique plus responsable et maîtrisé. Mais, dans une course à l’innovation, la tendance est aujourd’hui majoritairement à l’accélération, visant à créer une super intelligence. Les gouvernements adoptent donc une posture de régulation. C’est ce qu’a notamment initié Joe Biden en émettant récemment un “executive order” pour limiter le développement des IA fortes.

Ainsi, selon Laurent Alexandre il devient indispensable voire urgent de s'équiper de l'intelligence artificielle, notamment dans le secteur du retail. Les évolutions de l'IA sont rapides et il est nécessaire de bien les appréhender pour prévoir les éventuels impacts. Si aujourd'hui, la tendance est à l'accélération de ces avancées, les gouvernements cherchent à les encadrer par le biais de régulations.